Le dernier entretien de Tahar Ouettar accordé en 2010 au Magazine littéraire L’ivrEscQ quelques jours avant sa mort…(…) Promoteur infatigable de la langue arabe et auteur de nombreux romans, nouvelles et pièces de théâtre, l’écrivain algérien Tahar Ouettar est mort, jeudi 12 août, à Alger. Né en 1936 dans une famille chaouia de Sedratta, dans la région de Batna (Algérie), le jeune Tahar Ouettar fait ses études à l’Institut Ben-Badi, à Constantine, avant de rejoindre, en 1954, au début de la guerre d’indépendance, la fameuse université islamique Zitouna de Tunis. C’est là, dans les journaux tunisiens de langue arabe, qu’il publie ses premières nouvelles. C’est en arabe aussi, mais à Alger, que sont parus ses derniers livres, parmi lesquels La Bougie et les Cavernes (1995), réquisitoire contre l’obscurantisme islamiste. Ceux qui ne l’ont pas lu se souviendront seulement de la polémique que le petit homme à la courte barbe et coiffé d’un béret avait suscitée, dans les années 1990, en pleine guerre civile, après l’assassinat du romancier francophone Tahar Djaout : sa mort est « une perte pour sa famille et pour la France », avait-il lancé. Une phrase « malheureuse », concède l’éditeur Francis Combe, ami de longue date de l’auteur des Noces de mulet (1980), l’un des rares romans de Tahar Ouettar publiés en français (Messidor). Cette polémique, illustration de déchirures algériennes encore vivaces, ne résume pas l’oeuvre ni le parcours de Tahar Ouettar. Mais elle traduit la guerre des langues et des castes qui a longtemps opposé, pour le plus grand profit du régime, les intellectuels algériens, arabisants et francophones. Bilingue, Tahar Ouettar, tout en étant « très attaché à la diversité culturelle de l’Algérie et à ses multiples héritages », souligne Francis Combe, s’était battu, sa vie durant, pour que la littérature algérienne de langue arabe soit reconnue et valorisée. (…)*
L’ivrEscQ : D’abord et avant tout, comment se porte votre santé ?
Tahar Ouettar : Je viens de rentrer de Paris. Je souffre, je vous parle difficilement mais, je suis content de vous recevoir. J’ai refusé toute rencontre avec les journalistes car j’ai une mauvaise santé. Puisque c’est un magazine littéraire algérien en langue française, je veux exprimer les malentendus de certains (rire). Attention, ils vont vous fâcher (rire). Sérieusement, je lis beaucoup malgré le mal qui me ronge ; c’est la seule chose que je sais faire. Les médecins m’empêchent de lire, mais je lis quand même. Demain, je descends à al-Jahidhya, cet espace me manque. Je ne reste pas longtemps, juste pour rencontrer, mon équipe et humer cette ambiance du livre qui est un l’air que je respire.
L. : Vous êtes une icône de la littérature algérienne cependant, un écrivain provocateur et sulfureux surtout à l’égard des auteurs algériens francophones…
T. O. : Vous savez (il marque un long temps d’arrêt en se versant un bon thé chaud et reprend) je suis né dans un douar, dans mon enfance, j’apprenais par coeur le Coran, j’ai été émerveillé par la beauté du Texte qui me subjugue et m’interpelle. J’aime la langue arabe, je veux qu’ « El moufarnassine » et les bilingues se mettent à la langue de nos grands-parents. En fait, mon engagement avant et après l’indépendance m’a beaucoup animé et c’est resté en moi.
Mais, lorsque je taquine les francophones, c’est par fraternité et non pas dans une quelconque relation de conflit. C’est vrai, dans les années 1990 j’ai eu des prises de position qui ont suscité de violentes polémiques dans les milieux culturels et politiques. La presse a fait couler la noirceur de son encre sur ses pages en me diabolisant et me marginalisant. En définive, mes propos ont toujours été mal perçus et pris au premier degré. Comme je fais partie des pionniers, fatalement je les choque. Seulement, ils oublient qu’un écrivain doit dire tout ce qui sort de ses trippes.
L. : Quelle est, selon vous, l’état du livre en Algérie?
T. O. : Je salue la ministre madame Khalida Toumi car depuis qu’elle est là, il n’y a jamais eu autant de livres et de mouvements de livres en Algérie. Sans démagogie aucune, elle est la seule ministre de la Culture qui a donné autant de vie au livre. Elle reste la grande militante comme elle sait le faire sur le plan littéraire. Par ailleurs, il y a
actuellement des livres subventionnés par le Ministère, on se demande comment le comité de lecture a pu les publier. Vous voyez de facto, je suis courroucé devant des lacunes. Je me révolte lorsque je vois des incohérences. Je souffle le chaud et le froid en même temps. J’exprime toujours mon sentiment profond par passion, protection et amour, d’autant plus que je suis au soir de ma vie. Vous savez, à travers les activités d’al-Jahidhya, Nous avons boosté de jeunes auteurs, mais je vous avoue que j’ai peur de n’avoir pas fait assez pour la littérature!
L. : Donnez-nous le titre d’un livre que vous êtes en train de lire.
T. O. : N’en riez pas, mais je lis des livres en langue française. Actuellement, je lis et je traduis Sous des dehors si calmes de Jacqueline de Romilly de l’Académie française des éditions de FALLOIS. C’est un roman passionnant. Malgré mon état de santé, je suis en train de le traduire…
L. : N’abusons pas de votre santé, juste un mot, un voeu…
T. O. : Je souhaite que votre magazine L’ivrEscQ, s’attèle à faire connaitre les écrivains arabophones et je souhaite fortement qu’il soit la passerelle entre les deux langues que nous pratiquons. Je reste très attaché à la langue arabe comme je l’ai toujours montré en toute honnêteté. Mon voeu est que le livre mérite toute la sacralité : nous devons le laisser en héritage à nos enfants.
source : www.livrescq.com
« Dans la perspective de l‟étrangeté, du surnaturel qu’aborde l‟étude, le texte“Le pêcheur et le palais” du romancier algérien Tahar Ouettar s’appuie sur la réflexion de Greimas. Le romancier introduit le mythe ”politico-héroïque” dans son texte afin de poser un problème de rapport au pouvoir. Tahar Ouettar met en perspective cette problématique à travers Ali le pêcheur, personnage principal du roman. Un “héros sans peur”, qui symbolise le Bien luttant contre le Mal, et pour ce faire, il doit traverser sept cités afin d’offrir au roi le poisson. Cet acte qualifié d’associal par le pouvoir, sera fatal à Ali le pêcheur, mais établira un ordre nouveau. » Mohamed DAOUD / 1999 / crasc.dz
Biographie en Français : ICI
Biographie en Arabe : ICI
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**Extrait article du quotidien le monde le