Plusieurs Etudes énumèrent au moins deux grands types de constructions funéraires du Maghreb antique, le premier sous fourme de tumulus, reprenant la même physionomie des anciennes Bazinas, confirmant ainsi le maintien des traditions numides depuis la préhistoire.
Les exemples du Médracen, du mausolée maurétanien ainsi que les Djedars, sont des indices de la persistance de cette tradition. Le second révèle une certaine ouverture culturelle vers le monde méditerranéen. Les mausolées numides sur plan carré de Dougga, Makthar et du Khroub, produits de cette rencontre des influences Gréco-Orientales introduites par Carthage et de la tradition numide, servirent longtemps de modèles architecturaux.
L’implantation géographique de la Soumâa, par rapport à la carte de la Numidie, et surtout de capitale Cirta, son type d’architecture, son mobilier funéraire, découvert en plus de l’ossement humain, dont de lui une référence de l’histoire du royaume numide.
Souvent décrit comme mausolée de Massinissa, faisant partie de ces structures monumentales qui avaient tant focalisé l’intérêt des chercheurs, il a fait l’objet de plusieurs observations jusqu’à une période récente, et suscite toujours un plus grand intérêt, grâce à son état de conservation et aux réponses qu’elle peut apporter.
Érigé sur une colline, au voisinage de Cirta, à 14 Km vers l’est, il domine la ville du Kroub, dont le nom signifie « ruines ». Quoique son nom le présente comme une out ou manarat de mosquée, nous n’avons aucune indication dans les sources antiques et mêmes médiévales, contrairement au Médracen et au mausolée royal Maurétanien.
Il dut décrit pour la première fois après l’occupation française en 1838, puis en 1843 par Berburgger. En 1846, E Ravoisier en avait même proposé une restitution. Pour sa part Delamare a présenté un beau relevé de l’état du monument.
En 1862, un rapport a été adressé à M. Le préfet du département de Constantine, sur les prospections et fouilles de la Soumâa. Et malgré cela, il fallut attendre les années 1915-1916 pour que la société archéologique de Constantine puisse organiser de véritables fouilles, sous la direction des services des Monuments historiques de l’Algérie. Les travaux ont été dirigés par M. Bonnell, architecte. Et même si les méthodes employées n’étaient pas toujours scientifiques, nous devons à cette période la plupart de nos connaissances sur ce mausolée.
Enfin, l’exposition « Die Numider » organisée par le musée de Bonn en 1979-1980 fut l’occasion d’une réévaluation des découverts, de la restauration de quelques objets, notamment ceux en métal, et de la proposition d’une nouvelle approche sur la façon de restituer le mausolée.
Il est bâti sur une base carrée de 10,50m sur 2,80m de hauteur, qui se termine par trois gradins, sur lesquels repose un deuxième niveau de 8.40 m de côté et de 1m de hauteur, formé de deux assises dont la seconde est moulurée.
Par dessus, s’élevaient quatre massifs de 1.75m de côté, occupant les angles d’un carré de 5.55m de côté et décorés, sur chacune de leurs deux façades extérieurs, d’un grand bouclier rond de 1.25m de diamètre, en relief. Renfermant une chambre carrée, avec quatre ouvertures, ou fausses portes, à l’exemple du temple de Théron a Agrigente, ils encadraient quatre grand panneaux, figurant des portes, dont il reste des débris.
Malheureusement le niveau supérieur n’a pas résisté aux supplices du temps. Beaucoup ont supposé un tremblement de terre, car une belle quantité de ces matériaux reste encore éparpillée à proximité du site, dont des fûts non cannelés, des débris d’architraves, de frises, et des morceaux de corniches rampantes qui appartenaient à des frontons.
De toute façon, on ne reconstitue que par conjecture cette partie du mausolée. Les colonnes sont dépourvues de bases et cannelures, au nombre de huit, ou peut-être de douze, à chapiteau dorique. Elles devaient border une sorte de loggia, qui avaient été ornée d’une statue de bronze et que surmontait un plafond à caissons. D’après Gsell, s’il en avait douze, elles auraient pu être reparties en quatre groupe. Des vides auraient été laissés au dessus des fausses portes de manières à dégager la vue de la statue qui occupait probablement le centre de la loggia. Est-il possible de voir dans la stèle votive, qui se trouve au musée de Cirta de Constantine une reproduction en « modèle réduit » de cette Soumâa?
Gsell pensait qu’il n’y avait pas de pyramide, mais seulement une plate forme ménagée au sommet, portant soit un group sculpté, soit un grand motif ornemental. En revanche, la restitution proposée par Rakob le présente comme « une tour élancée, à plusieurs étage de presque 30m de haut, couronnée par une pyramide haute de 9m qui supportait, très probablement, une statue de bronze dont quelques fragments ont été signalés par Bonnel.
Malgré certaines déformations, le type de constructions, les moulures et les ornementations permettent de confirmer que les influences helléniques ont sans doute affecté son décor. A. Lezine indique que « ce mausolée s’écarte des mausolées de Dougga et du Médracen par une modénature plus évoluée, et par ces colonnes où l’on commence à discerner des influences italiennes ».
Il faut noté aussi que les fouilles de Bonnel n’ont reconnu aucune construction extérieure qui aurait pu servir au culte; à vrai dire, la forme même du monument ne semble pas pouvoir s’accommoder d’une annexe. Il est même difficile de penser qu’un simple autel ait été placé sur de simples fondations et n’est pas entouré d’une plate forme dallée comme le mausolée maurétanien.
La construction de la Soumâa fut entreprise au-dessus de la chambre funéraire, qui resta inviolée jusqu’en 1915. c’est un réduit qui ne mesure que 2m de long, 1m de large et 0,90 m de hauteur.
Les parois sont en pierre de taille. Le sol n’est qu’en partie revêtu d’une dalle, sur lesquelles on avait déposé un large bassin d’argent, contenant les cendres et les ossement calcinées du défunt. Le caveau, orienté du nord-est au sud-est, établi dans le sol naturel et occupé par son hôte avant la construction du mausolée qui l’a recouvert, n’offre aucune communication avec le dehors. Donc, il était impossible d’atteindre la sépulture, puisque le caveau creusé dans le roc était recouvert par la masse du monument.
Parmi les trouvailles qu’avaient décrites Bonnel se trouve « un récipient ou vase en argent, de 27cem de diamètre tellement oxydé que, rempli d’ossement, il s’est brisé lors de la découverte ».
Les examens anthropologiques faits sur les restes des morts ont confirmé qu’il s’agit de deux incinérations, celle d’un homme d’un certain âge et celle d’un adolescent, entourés d’un abondant mobilier : casque, cotte de mailles, épée et autres armes, vaisselles d’argent.
Suite à la réflexion de Camps, qui avait noté que l’armement ne ressemblent pas à l’équipement habituel des numides, Berhier avait ajouté qu’on peut remarquer le même casque à pointe découvert au mausolée sur une sculpture d’une stèle d’El Hofra. Ce mobilier funéraire était environné d’amphores, parmi lesquelles deux étaient rhodaniennes.
La Soumâa est un mausolée royal. Plusieurs hypothèses ont été avancées. Ils s’agit pour certains du tombeau d’un chef militaire punique; comte tenu de la ressemblance de l’armement découvert avec celui figurée sur les stèles d’el Hofra. Gsell l’avait daté du IIe siècle avant J-C d’après la poterie renfermé dans son caveau. Ch. A. Julien l’attribue à Massinissa. Mais l’hypothèse la plus vraisemblable est celle qui en ferait le tombeau de Micipsa. Grâce à la datation du mobilier funéraire, qui correspond à la fin du IIe siècle avant J-C., Rakob a établi un lien avec la mort du fils de Massinissa. Il a fait un lien entre la trouvaille des deux corps et les circonstances de la succession de Micipsa au meurtre de son fils Hiempsal par Jugurtha, immédiatement après la mort du roi.
Le cas de la Soumâa reste unique en son genre par la richesse de son mobilier funéraire intact et la forme de sa chambre funéraire qui évoque un caveau destiné à un inhumation, alors qu’elle a reçu des restes incinérés. Mais les grands mausolées royaux, vu les techniques de construction, leur voisinage de capitales ou villes importantes, étaient l’expression d’un état organisé, dont la puissance se fondait autant sur les centres urbain que le réseau tribal. Ils attestent aussi l’évolution du pouvoir royal depuis le IIe siècle avant J-C, désireux de se rapprocher des illustres modèles Gréco-Puniques. Leur architecture et leur décoration confirment l’entrée des royaumes numides au sein de la culture méditerranéenne. D’ailleurs, les mausolées numides construits sur plan carré de Dougga, Makthar et du Khroub relèvent de conception plus hellénique que phéniciennes. Comme la remarque G.Camps, la proximité du mausolée de Soumâa de Cirta révèle l’évolution importante que connut le royaume Massyle auy cours du II siècle avant J-C. Ainsi, la construction de ce mausolée au IIe siècle avant J-C répondait à une logique urbaine, faisait référence à la royauté de la ville de Cirta, et traduisait la rencontre des influences Gréco-Orientales, introduites par Carthage et de la tradition numide.
Youcef Aïbeche
Source : « l’Algérie au temps des royaumes numides » éditions d’art Somogy.
Ouvrage édité à l’occasion « Djazaïr, une année de l’Algérie en France », 2003.