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EVOCATION ET HOMMAGE : YACINE MOKRANI (1939 – 1979)

Le patriote et jeune nationaliste Sédratien, digne descendant du Cheikh Mohand Mokrani initiateur du soulèvement de 1871 en Kabylie contre l’occupant français.

Je l’ai bien connu. Il habitait à quelques dizaines de mètres de la maison de mon enfance chez les Madi. El Hadj Madi Hamada, l’un des premiers infirmiers de Sédrata, était son oncle maternel. 

Il a fait sa scolarité primaire dans son village natal, son cycle moyen au lycée Saint Augustin et son cycle secondaire dans un lycée de Constantine. C’était un brillant matheux, peut être l’un des meilleurs de Sédrata, m’a confié un de ses anciens amis. 

Lorsqu’il venait en vacances, j’avais beaucoup de plaisir à discuter avec lui. Il était très affable et d’une grande gentillesse. Il avait un humour très fin et très particulier. Il tenait, je crois, cet humour de son oncle El Hadj Hamada et de ses nombreux séjours en Tunisie. Il nous apprenait, nous les enfants du quartier, beaucoup de choses intéressantes. C’était pour nous une fenêtre ouverte sur le monde. Il nous entretenait de la ville de Bône, de Constantine et des villes qu’il avait visitées dans le cadre de ses études et de son travail. Ainsi il nous faisait voyager à travers ses histoires les unes plus instructives que les autres. C’était un mélomane éclectique. Il appréciait aussi bien la diva égyptienne Oum Kaltoum que le chanteur poète Georges Brassens. 

En 1956, il déserta les bancs du lycée en participant à la grève des étudiants décrétée par le FLN.

Un jour, le redoutable et redouté commandant Géraud, qui l’avait à l’œil, passa par notre quartier dans sa jeep. Ce sinistre officier français obligeait tous les civils à se mettre au garde à vous à son passage et à le saluer militairement. Yacine négligea volontairement de le faire. Son grand-père, Si Khalifa, ayant appris cela, obligea son petit fils à monter au maquis le jour même pour échapper aux représailles du commandant Géraud qui était sans pitié pour les jeunes Algériens récalcitrants car il voyait toujours en eux de futurs maquisards. 

A 17 ans, Yacine se retrouva au djebel sous les ordres de Salah Soufi. Ce dernier l’envoya à Tunis où il fut accueilli par Krim Belgacem en personne, qui voyait en Yacine un descendant du célèbre résistant kabyle Cheikh Mohand Mokrani et lui voua une sympathie particulière. Le chef historique de la révolution l’orienta vers l’Égypte puis vers l’Allemagne pour suivre des études en aéronautique. Yacine sera l’un des premiers cadres de l’Algérie indépendante dans ce domaine. Dans la capitale tunisienne il reçut son ordre d’appel pour faire son service militaire au sein de l’armée française. Provocateur, il y répondit en disant qu’il était déjà dans une armée : l’armée de libération nationale (ALN).

A Tunis il sera enrôlé par le MALG (Ministère de l’Armement et des Liaisons Générales) où il côtoya de près le colonel Abdelhafidh Boussouf, une autre figure emblématique du GPRA.

En 1962 il sera affecté à l’aéroport d’Alger puis à celui de Béchar. En 1976 il dirigera l’aéroport Ain el bey de Constantine. Auparavant, il avait même exercé au niveau de la tour de contrôle de l’aéroport Carthage de Tunis. Selon une source sûre, il a toujours continué à activer au sein de la sécurité militaire dont il était un officier supérieur. 

En 1979 il décède à Constantine, de mort violente par arme à feu. Il avait 40 ans, un âge jeune pour mourir mais tel était le destin de Yacine, lui l’orphelin de père à l’âge de trois ans. À ce jour, sa mort reste énigmatique pour ses amis et sa famille. Quelques jours avant celle-ci, il avait été promu et muté à Alger. La veillée mortuaire plongea notre quartier dans une tristesse incommensurable. Il est enterré au cimetière de son village natal. Allah yarhamou.

Yacine restera pour tous ceux qui l’ont connu, cet étudiant intelligent et brillant, ce haut cadre de l’Algérie indépendante dont la ville de Sédrata peut être fière, ce nationaliste dans les veines duquel coule le sang du cheikh Mohand Mokrani un mythique rebelle qui a marqué l’histoire de l’Algérie combattante.

Dr. Yacine Lahlou
CHRONIQUES SEDRATIENNES

 

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