M’daourouch a toujours été liée à Sédrata. Elle l’a été dans plusieurs domaines. Commençons par les liens humains.
Cheikh « Je-m’en-fous » (1913-2000) est la première personne qui me vient à l’esprit. C’est un chauffeur de taxi qui assurait quotidiennement la liaison Sédrata-M’daourouche. Il était connu et estimé dans les deux bourgades. De son vrai nom Mahdjour Ali, Cheikh « Je-m’en-fous » doit son surnom à l’histoire suivante : arrêté à un contrôle de gendarmerie, le gendarme constata plusieurs infractions au code de la route chez notre ami taxieur. II commença à les énumérer avec une amende pour chaque infraction. « Tu es en surcharge 40 dinars ». « Je m’en fous » lui répondit notre taxieur. « Tu as l’essuie-glace qui ne fonctionne pas 40 da ». « Je m’en fous ». « Tu as deux pneus lisses 80 da ». « Je m’en fous ». « Tu as le clignotant gauche qui ne fonctionne pas 40 da ». « Je m’en fous ». Le gendarme qui s’attendait à des contestations ou des supplications n’en revenait pas devant les réactions inattendues de ce contrevenant pas comme les autres.
C’est ainsi que depuis ce jour notre chauffeur, une personne généreuse, truculente, sera surnommé « je m’en fous » par tous les sédratiens et les m’daourouchis. Aami Saïd Azouaou un nationaliste et patriote pur et dur assurait lui aussi quotidiennement avec ses cars, qu’il conduisait personnellement, la même liaison. De plus il était marié à une dame de l’antique Madaure khalti Messaouda Kadri une bonne amie de ma défunte mère. Si Amar Segher plus connu sous le pseudonyme de Ammar dock faisait chaque jour le déplacement à M’daourouch pour rejoindre son lieu de travail les docks silos d’où son surnom. C’était l’un des premiers lycéens de Sédrata. Il portait toujours un chèche, un cache poussière et un séroual bouffi, ce qui ne l’empêchait pas de parler un français châtié. C’était l’ami de mon père. Il venait chaque jour à la pharmacie pour acheter des médicaments qu’il ramenait avec lui pour les m’daourouchis pour lesquels il assurait des injections et des soins primaires accompagnés de conseils et de recommandations bien utiles. Il faut dire qu’à son époque il n’y avait ni médecin ni pharmacien dans le petit village qu’était M’daourouch.
Dans le domaine sportif, je me dois de citer le sympathique Chérif Benmalek transféré du MAC (Mdaourouch Athletic Club) à l’USS (Union Sportive Sédratienne). C’était un receveur du fisc, profession qu’il a exercée dans les deux villages et en fin de carrière à Bir Bou Haouch. C’était aussi un footballeur talentueux surnommé le Cruyft sédratien. A M’daourouch il était surnommé Gondet, du nom d’un célèbre joueur nantais des années 60-70. Le docteur Masmoudi a longtemps exercé à Sédrata où il n’a laissé que des amis. Après un transfert dans plusieurs localités il s’installe à M’daourouch où je l’avais remplacé en 1979 durant quinze jours. Ce qui m’avait incité par la suite à venir exercer dans cette ville au mois de décembre 1982.
Au mois de janvier 2022 je pars en retraite après près de quarante ans d’exercice en libéral à M’daourouch et plus de quatre ans comme médecin de santé publique à Sédrata. Dans le cadre de la mi-temps à laquelle était astreint tout médecin libéral dans le passé j’ai assuré la couverture de la maternité de M’daourouch durant plus de quinze ans. Des centaines de bébés m’daourouchis nés durant cette période ont « subi » mon examen médical post natal. Pour l’anecdote, un jour, me promenant place Audin à Alger, je fus arrêté par un policier. M’interpelant il me dit : excusez- moi, vous êtes bien le docteur Lahlou Yacine ? Je suis de M’daourouch. Ma mère m’a dit que c’est vous qui m’aviez mis au monde. En vous reconnaissant, « j’ai voulu vous saluer ». Sur ce il appelle un de ses collègues et me présenta à lui. J’étais content et fier à la fois de retrouver un adulte que j’avais tenu et examiné bébé de mes mains plus de vingt ans auparavant.
M’daourouch, avant de s’émanciper et de devenir chef-lieu de daira, a longtemps dépendu de la daira de Sédrata. Elle a aussi longtemps dépendu du secteur sanitaire de Sédrata notamment de l’hospitalisation de ses malades. Il fut un temps où il n’y avait ni collège ni lycée à M’daourouch. Les collégiens et lycéens étaient orientés sur Sédrata pour poursuivre leurs études dans de mauvaises conditions notamment avec des problèmes de transport et de restauration. C’est dire que les m’daourouchis étaient souvent obligés de se déplacer dans la ville voisine pour le moindre problème. Aujourd’hui ils jouissent pratiquement de beaucoup de commodités avec un complexe sportif incluant une piscine, une bibliothèque, une pépinière, une polyclinique, un centre d’hémodialyse moderne, une polyclinique, un commissariat de police, une belle agence bancaire BADR, trois lycées, plusieurs collèges… Bientôt un hôpital actuellement en construction, sera en fonction. Il faut ajouter des centres de formation professionnelle, une imposante école nationale de gendarmerie, une importante zone industrielle, des cités d’habitations…
M’daourouch a bénéficié du programme spécial de développement des hauts plateaux. Ce qui n’a pas été le cas de Sédrata pourtant situé à quelques 29 kilomètres. La construction et la mise en activité du gigantesque complexe phosphatier d’Oued Kébérit résoudra beaucoup le problème du chômage dans la région et notamment à M’daourouch. Le tourisme culturel n’est pas à négliger avec les beaux sites romains de Khemissa et Madaure.
Après m’avoir lu je pense que le titre de « M’daourouch la petite sœur de Sédrata » était bien approprié pour cette chronique que j’ai eu beaucoup de plaisir à rédiger. Avec près de quarante ans à M’daourouch je crois que j’ai passé plus de temps de ma vie dans l’antique Madauros qu’à Sédrata.
Je termine ma publication avec cette petite note « d’humour » : pour tarabuster les sédratiens Chérif Benmalek un natif de M’daourouch et un sédratien d’adoption leur disait : « nous à M’daourouch on a la gare ferroviaire, ce que vous n’avez pas à Sédrata ». De plus les matchs derby MAC-USS se terminaient souvent dans la confusion par une bagarre générale avec l’évacuation de l’arbitre de la rencontre sous haute protection policière.
Dr Yacine LAHLOU.
Lien : Facebook
Le regretté « Cheikh je-m’en- fous » (1913-2000)…
C’était un repère et un lien emblématique entre Sédrata et sa petite soeur M’daourouch.