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SEDRATA : Photo Brahim Benbouabdellah

Il était une fois à Sedrata (II): Yasmina la mère et la terre par Larbi Zouaimia

Think local first comme on dit. Ainsi j’adore les contes de l’arrière-pays alors qu’il demeure dur de conter sa propre ville. Certes l’analogie n’a rien à voir avec les Magical Mountain Stories de Laura Campbell. Toutefois, Sedrata comme Ain Sefra, Ain El Hamam, Relizane ou Azzaba, mérite la chandelle, même si elle aurait pu être juste une petite gare de train, ou un centre urbain égaré.

Mais Il y a du temps passé à Sedrata car « something happened », faut-il repréciser, exactement comme disait saint Augustin: il y n y a pas de temps passé si rien ne s’est passé. « non esset praeteritum tempos; et si niliil adveniret » (les confessions) .

Dans ce blog pour les choses passées, blog né du privilège du web 2.0, j’essaye, selon mon regard, de relater méritoirement Sedrata comme je l’ai vue, dans un galbe fragmentaire jadis sublime, malheureusement devenu saugrenu dans ces ères narquoises, blessantes et humiliantes.

Et l’image de Yasmina, la mère de Yacine me marqua, comme si elle fît partie du roman Nedjma avec lequel elle eût surgi des entrailles du Versant de Kef Essayeh, fleuron des zones orientales de Guelma …Terre de sa famille.

Dans la Zonka (habitations réservées autrefois aux fonctionnaires de la commune mixte), collée d’ailleurs à la maison de si Said Azouaou père du mouvement national à Sedrata, Yasmina chantait en tenant comme une professionnelle, un bendir.

 

 

 

Petit enfant, je vis la vieille El Alia, une cousine immédiate, dire à ma grande mère: nrouhou nssalmou ala al kabloutia. (On va dire bonjour à la kabloutia).Yasmina, la femme et le sacrifice du temps et des endurances. Yasmina une histoire à fondre le cœur d’un homme, fut -il en pierre.

Tout d’abord, la mort de son enfant Belghith lequel portait le même nom que le Saint-Patron de Sedrata. Quant à son grand chagrin, il remonte à 1943 suite à la disparition de son père, un malheur rajouté à la mort de deux frères et d’une sœur.

En mai 1945, son frère Rachid, sa femme enceinte, et leur enfant, furent massacrés à la pioche par les hordes du maire Julia du village de Petit (Boumahra Ahmed), à 10 km de Guelma. 

La réplique fut immédiate, un membre du conseil municipal de Petit et ami du sous- préfet assassin Achiari fut descendu à la hache près de la ferme Dominic, le soir même. En 1950 l’adversité ne délogea pas, Yasmina perdit son mari : si Mohamed.

L’histoire de la mère de Yacine se termina un certain mois d’octobre de l’année 1980 loin de Sedrata. Si j’ai parlé d’elle, c’est parce qu’elle représente pour moi toute la combinaison sentimentale qui m’anime lorsque j’évoque une mère et une terre.

 

La Zonka, là où Yasmina venait chez sa famille (Photo Benbouabdellah B)

 

Et Sedrata… dans ce coin précis de ce quartier précis où avait vécu Yasmina, se passèrent des choses, par loin du CEG drôlement recyclé, en une école mièvre et fadasse, quoi ! Une bizarrerie portant une appellation irréfléchie. C’est près du CEG que je zieutais tout…

Je suis né plaqué à cette école, mais je ne sais pas quand, juste porté sur les registres après 5 ans sous le nom de « Larbi »: un anthroponyme qui me révoltait à cause des chevaux de Tacfarinas ayant martelé naguère le sol. De Vitaris (Terreguelt) de-là, ceux-là retournèrent pour assiéger Sedrata en l’an 17 A.J.C. 

Nom berbère distinctif, comme Ramdane et Chaabane, pour une tribu de Tolba, guerriers, ighmourassen d’origine et de sang, récitateurs vertueux du Saint-Coran, on me l’attribue à cause d’un grand oncle devenu au début de 1900, membre de « Dar al Ifta » de Médine et proche de la famille Hussein Ibn Ali, Chérif de la Mecque.

Après l’indépendance en avril 1963, mon père qui rata ma déclaration de naissance, revint à la maison. Il était parti en juillet 1962 détruire avec d’autres, la ligne Morris du coté de Ouenza, afin d’organiser le rapatriement des réfugiés algériens.

Atteint d’une épistaxis, mon père passa la révolution à Sedrata, en contact avec un certain Abdallah Nouaouria de la wilaya 2 pour des missions de liaisons. Son père, un ancien du PPA marié par le PPA, ayant perdu tout en mai 45, Markaz de l’ALN-FLN, n’a jamais voulu à ce qu’il soit secrétaire d’un minable colonel de la wilaya 2 surnommé « la brute ».

Comme il comprenait le Chaoui, il s’occupa, dans le secret total, de transporter les familles : mères et épouses des Moudjahidines de Khenchela envoyés en renfort par Abbas Laghrour. 

La capture de son oncle à Ain Trab (Oued Zenati) le détruira. Ce dernier transféré vers Sedrata, a failli mourir dans le centre de torture de Borj El Hsson (Ragouba), si ce n’est un certain Brahim ben Brahim qui intercéda pour son innocence.

 

 Le premier fort militaire de Sedrata devenu siége de la gendarmerie Coloniale (Photo Benbouabdallah.B)

Sa pauvre femme, couturière de son état, inonda, chaque semaine, la maison de Brahim de kadiat (Couffins). C’était ça le prix. Bon, ceux qui ne supportèrent pas les braises de la révolution de la zone interdite de Sedrata, s’éloignèrent de cette vallée et son cadre montagneux, pour gagner des zones plus clémentes…

On dit qu’il y avait dans la commune mixte de Sedrata 24 habitants. 6 colonels, 6 commandants, 6 moussabilines et 6 pour la jatte en bois ou ceux de la permanence qui comptèrent les biens des colons.

On l’avait attendu d’un coté, malheureusement pas de « has-been » pour les émules de la jatte en bois, ils ressortent en yahia al istiqlal… Brahim ben Brahim présenté en goumier mais aurait aidé beaucoup de gens sur ordre de l’ALN, devint la cible de certains pseudo-combattants en quête du butin. A l’indépendance, un résidu de voyous devenus patriotes, voulurent le tenailler à Bordj Khil au Sud de Sedrata. 

C’est alors qu’un brave officier supérieur de l’ALN dégaina pour le protéger, ces derniers filèrent en courbettes rampantes et obséquieuses. La revolution a permuté de rang. Salim Saadi, ex- colonel et ex-ministre que je connaissais, ria quand je lui ai dit, un jour, à Tebessa : Il y avait une ALN de la taille de l’armée rouge donc… C’est quoi ce nombre d’anciens combattants qui augmente à l’opposé de l’âge !

 

CEG de Sedrata Badigeonné en teinture d’aridité (Photo B. Benbouabdallah)

 

Wilaya 1, Wilaya 2… Déjà c’est unique dans l’histoire de la Révolution que des opérations dans la wilaya deux, furent commandées à partir de la wilaya une. Pour preuve, le commandant Rabah Djemil et Abdallah Belhouchet étaient de ceux qui participèrent à la grande attaque de Guonod en décembre 1955.

Pour ne pas perdre le fil, je disais que mon père ramena dans un camion en klaxonnant, un grand câble électrique de la ligne Moriss… Un trophée… nous le gardons toujours… ma mère furieuse qui avait compris le jeu de certains mercantiles de la révolution lui dira: (Nass takhlaa Fi diar oua anta tjib fi lkhouyout, hna li bdina nmoutou man louit may).

« Les gens sautaient sur les maisons des colons et toi tu nous ramènes les fils électriques… nous qui ont commencé à mourir depuis le 8 mai 1945 ». Le 8 mai est resté gravé dans sa mémoire, à travers ces chenillards ramenés de Bizerte lesquels grimpaient les hameaux, en tirant des balles monstrueuses.

Elle était durement frappée à l’âge de 13 ans dans les montagnes de Guelma, les échos de son défunt oncle, raisonnèrent jusqu’à sa mort, dans son imaginaire, quand il appelait le 9 mai 1945 Al jihad fi sabill allah. En 1945, il n’y avait pas de troubles à Sedrata, le maire Villevaleix avait eu l’assurance de chefs religieux qu’ils maintiendraient la population dans le calme !

 

Sedrata…Village du fil de fer barbelé. Ici La Garnison Militaire Coloniale

 

Mais des milices du Sous-préfet Achiari de Guelma arrivèrent jusqu’a Sathat Ouled zaboub afin de porter la mort et le Feu. Villevaleix aurait, donc, protesté auprès du Préfet Lestrade de Constantine arguant que Sedrata dépendait de la sous-préfecture de Constantine et pas de Guelma, pour que Achiari vienne faire des opérations de police.

Utile de mentionner que l’insurrection de mai 45 continua même après juin 1945 … Le général Duval parlait de Brigades de Chocs qui empruntaient la route de Sedrata- Guelma (déclarée interdite et exposée au bombardement des B26) pour approvisionner les insurgés, alors que ces insurgés n’ont eu que deux MAS 38 ramenés par les Orbanes (nomades de Tebessa).

Le consul britannique ) Alger, quant à lui, évoquait dans un telex à destination de Londres le 17 et le 20 Mai 1945, les zones Montagneuses de Guelma Sud-Sud vers Sedrata et de Guelma Sud-Est vers Souk-Ahras.

La demonstrations ne s’était pas faite attendre, les Dakota et Lancaster britanniques décollant de la Sardaigne et Ain Arnat, ne transportaient pas, uniquement les soldats francais de Sidi Belabes vers Guelma, mais terrorisaient les populations.

Dans les montagnes de Sfahli, fief de la commune populeuse de la Sefia on jura d’abattre un certain lieutenant Bensadok lequel répandot le viol et le meurtre… Devenu Gaid de Mechouneche, il fut envoyé à Patres par Chihani Bachir le 1er novembre 1954..

Je trébuche Pardonnez-moi ! Je raconte Sedrata en spirale dans une courbe bizutée, non pas linéaire, mais librement dessinée. Oscar Niemyer disait : une ligne courbe est une ligne libre. Tant mieux ça m’arrange. Dans ma tête, Sedrata se loge comme un carrousel de diapos mal organisés, j’aime ma ville comme le puits d’eau, j’y vais quand je veux et comme je veux.

 

Ecole portant le nom du Colonel Abid Said fils de si Ali ELKADI (Photo B. benbouabdellah)

 

Ma ville était la pointe nord de la wilaya Une. Il y avait le poème et le couteau mais l’insulte était supreme. Ceux qui ont tiré des balles sont morts, comme dans d’autres places, ceux qui n’ont rien tiré sont devenus indu-occupants de l’épithète : révolution par simple calcul de maquignon : Se partager le magot de l’indépendance.

En 1990, j’avais des mots très durs en direction du responsable de wilaya des Moujahidines, ignare voulant s’ériger en censeur. La séance vira au rififi dans une tornade de quolibets en cascades.

Le wali se muta en sourdine, comme s’il avait aimé mes attaques contre quelqu’un qui le harcelait chaque jour, en poches et en lots de terrains.

Khlawha yakhi wakaha … Ils l’ont mise en capilotade ! Quelle insolence ? Dans ce blad, si vous ne parlez pas, des cons chargés autrefois et uniquement d’éplucher la pomme de terre au Djebel, resurgissent de nulle part, en se transmuant en cavaliers d’élite. 

Un membre de commando ALN qui sautait à Annaba du 3e étage yahcham de parler de ses légendes, par décence… La bazooka à répétition. j’en savais des choses, ceux qui accompagnaient Amirouche. j’en ai appris et Youcef Latreche. j’en émerveillais. « That’s it ».

Votez pour l’indépendance ! Grava Mhya Bahia sur le CEG un certain Mars 1962, Rabah Ait Ouarab n’a pas effacé le Slogan, il espérait une intrépidité scientifique des générations, on a fini par me prendre la logique…

Revenant à Bahia le vinceremos cultivé de Sedrata qui sautait en reprises pour prise de parole sur les Tables de Café Ennidam de la famille Bendidi Salah Soufi. Il créait l’ordre du jour de la ville … Bahia emporté par la maladie pour ne plus revenir, j’ai vécu cela très jeune…. lahal idoum.

Larbi Zouaimia 

 

 

 

Journée Internationale de l’Enfant 2007 Théâtre de Khemissa SEDRATA Photo web

 

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