Ce témoignage d’Hervé de Maupeou est un extrait de la publication paru sur la revue trimestrielle française, N°315, Croix de guerre & Valeur militaire est éditée par l’ANCGVM en mars 2014. La revue publie des articles de stratégie et d’histoire, ainsi que de nombreux historiques de soldats et personnes morales (Unités militaires, villes ou institutions civiles) décorés.
« Entre Tunisie et Algérie, un réseau électrifié, appelé « le barrage tunisien » longe la frontière depuis le Cap Roux, à l’Est de La Calle, jusqu’à Négrine dans le Sahara. Pendant la guerre d’Algérie, ce barrage a fait l’objet d’une surveillance permanente de la part de l’armée française.
On entend parfois parler de « Ligne Morice » ou encore « Ligne Challe ». Tout cela mérite des explications, car les deux expressions existent, mais elles désignent deux ouvrages différents.
En 1957, afin de sécuriser la ligne de chemin de fer Bône-Tébessa, le génie établit un premier réseau de barbelés de part et d’autre de la voie ferrée. Il s’agit alors de protéger les trains de voyageurs, mais aussi d’assurer l’acheminement d’un minerai de fer exploité par une entreprise britannique dans les mines de l’Ouenza. Il doit en effet être livré quotidienne ment sur le port de Bône. Ce réseau protecteur s’est alors appelé « ligne Morice », du nom du ministre de la Défense nationale de l’époque. Une escorte de soldats armés, installée dans un wagon blindé accroché en queue du train, complète ainsi la protection rapprochée. Le 3ème Bataillon de zouaves s’est tout particulièrement spécialisé dans ce genre de mission. Il est chargé d’ouvrir la voie ferrée, le matin, d’escorter les trains de voyageurs et d’accompagner le dernier train de minerai remontant sur Bône le soir.
En 1959, le général Challe, commandant alors l’armée française en Algérie, fait construire un barrage électrifié au plus près de la frontière tunisienne, depuis le Cap Roux, à l’Est de Bône, jusqu’à Négrine dans le Sahara. Ce barrage est alimenté par des groupes électrogènes. C’est la « Ligne Challe », surveillée jour et nuit. Incorporés à la ligne, les groupes électrogènes sont de la responsabilité du génie. On en trouve tous les 15 à 20 km. La surveillance permanente est confié à l’infanterie.
Depuis le Cap Roux jusqu’au Tarf, des unités de chasseurs en sont chargées. Au Sud, c’est du ressort de la 2ème Division d’infante rie mécanisée, à savoir les 152ème, 153ème et 26ème Régiments d’infanterie mécanisée. Ils sont installés depuis Le Tarf jusqu’au Kouif. Au Sud du Kouif et jusqu’à Négrine, les radars surtout assureront l’observation permanente. La surveillance est confiée à des unités des troupes coloniales. Les cavaliers accompagnant les fantassins, le tracé du barrage suit la route au plus près. Une unité d’infanterie se voit attribuer 5 à 6 km de barrage à surveiller. Le régiment sera étalé sur 30 à 40 km en fonction du nombre de ses compagnies. L’escadron de cavalerie, de concert avec l’infanterie, va patrouiller sur 15 à 20 km : on appelle cela la « herse ». Enfin, le cas échéant, il est possible de faire appel à l’artillerie, installée 4 km à l’arrière. Sur le côté Ouest de la route et suivant les mouvements de terrain remarquables, sont construites des cabanes en rondins, appelées «blockhaus» ou « postes ». Un poste peut abriter 4 ou 5 hommes ayant une bonne visibilité sur le réseau de barbelés. On compte à peu près 5 à 6 blockhaus sur 5 km, qui peuvent donc être tenus par l’effectif d’une section. Dans la journée, quelques observateurs seulement suffisent pour la permanence du guet.
Par convention, chaque poste est désigné par le sigle PK (point kilométrique), suivi d’un nombre désignant en km la distance qui le sépare du Cap Roux situé au PK 0. Par exemple, le poste PK 100 est situé à 100 km du Cap Roux. »
Hervé de Maupeou
Président de la section de Haute-Vienne
Source : Revue Croix de guerre & Valeur militaire, N° 315, mars 2014